Enquêtes réalisée par l'association ASSIREM GOURAYA DE BEJAIA
Types d'enquêtes :
Enquêtes ouvertes, puis semi directives, auprès des anciens qui connaissent l'Histoire, puis de quelques jeunes qui restent actifs dans les salines.
Lieu d'enquête : de préférence chez l'habitant ou au niveau des salines.
Histoire
1.Connaissez-vous l'histoire de la saline depuis l'origine?
D’après les anciens des villages d’Iadnanen et d’Ait Ounir, l’Histoire de leur saline remonte à la période romaine et vers l’année 1500, deux illustres de leurs ancêtres : Ahmed Adnan et Moussaoui venus du village d'Ahnif dans la wilaya limitrophe de Bouira furent à l’origine de l’exploitation des deux salines existantes qui devinrent leurs propriétés.
Ahmed Adnan maria l’une de ses filles à Moussaoui et les deux firent souches dans cette région d’Imellahen qui veut dire « salines » en langue arabe amazighisée.
Qui a démarré l'activité, quand et pourquoi?
L’activité de la saline a démarré avec les ancêtres Ahmed Adnan qui prit pour gendre Moussaoui et qui à son tour a pris par la suite pour gendre Mohand Ouali Achekab venu des Ath Abbas vers l’année 1500 quand ils firent alliance par le mariage pour donner naissance à de nombreuses familles des At Moussa et Ichekaben.
Il faut entendre que le sel à l’époque représentait notre pétrole d’aujourd’hui et des guerres tribales ont eu lieu autour de cette ressource précieuse.
La saline est devenue par l’Histoire la propriété des familles des deux villages Iadnanen et Ait Ounir.
Combien de familles exploitaient le sel et comment s'est passé la répartition foncière ?
La saline est exploitée par les familles des villages Iadnanen et Ait Ounir.
Le village d’Iadnanen regroupe 7 grandes familles : Adnane, Adnani, Kasmi, Mouhoubi, Abdelli, Dahmani et Bendahmane. Le village d’Ait Ounir regroupe 7 familles : Beldjoudi, Yousfi, Mameri, Nait Amara, Mokhnache, Mellihi, et Atsi.
Ce sont ces 14 grandes familles qui exploitent par héritage cette saline d’Iadnanen.
La saline a-t-elle donné une étymologie du lieu et des légendes ?
La saline d’Iadnanen tient son nom éponyme de l’ancêtre Ahmed Adnan venu d’Ahfir dans la wilaya de Bouira et la légende nous fait savoir que cet homme pieux avait d’abord défriche toute une partie de la grande forêt et a placé sa canne au lieu même de travail pour en faire surgir deux sources : une source d’eau salée et une autre d’eau saumâtre qui n’est pas potable pour la consommation des hommes et des animaux.
Cette saline a contribué aussi à donner à la région son nom d’Imellahen regroupant les trois villages de cette région et qui sont : Iadnanen, Ait Ounir et Ichekaben.
Quelles ont été les grandes étapes (et les dates) de la saline, dans son développement, puis dans son déclin ?
Quels ont été les facteurs du développement et à quoi servait le sel, vendu à qui et comment?
Les facteurs de développement du travail des salines sont :
Le sel d’Imellahen était vendu localement et vers des régions lointaines : Jijel, Bejaia, Bordj Bou Arreridj….
Quels ont été les facteurs de déclin de production de la saline, quand ?
Les facteurs de déclin de la production de la saline sont :
La saline d’Iadnanen et d’Ait Ounir ne s’est jamais définitivement arrêtée puisque 5 familles continuent à perpétuer l’activité à ce jour : Adnane Hocine, Abdelli Meziane, Kasmi Djillali, Alloui Saïd et Kasmi Abdallah.
Quelle est la situation d'exploitation ? Aujourd'hui, combien de familles actives par saline et par village
Jadis : 14 familles exploitaient la saline
Aujourd’hui : 5 personnes exploitent leurs parcelles seulement et les autres sont abandonnées ou dégradées
Quelle est la situation actuelle des villages exploitant les salines: nombre de ménages et d'habitants, évolution démographique (croissance, stable, déclin, émigration des jeunes, ...etc.
Deux villages exploitent la Saline d’Iadnanen : Iadnanen et Ait Ounir. Le premier village compte 5 familles qui travaillent au niveau de la saline et le second village n’en a aucune.
Actuellement, la population du village d’Iadnanen est de 850 habitants et celle d’Ait Ounir est de 1500 habitants avec une forte émigration vers les villes du pays et d’ailleurs.
Quelles sont les sources de revenu, des ménages, des familles: agriculture (quoi à part l'olivier?), l'élevage (quels animaux ?), pêche, artisanat, salariés/fonctionnaires, pensions nationales et internationales, aides des émigrés, travail temporaire dans le bâtiment ou agriculture, cueillette, chasse, sel, autres? Quelles sont les trois principales sources de production/revenus des villages.
Les sources de revenus des ménages, des familles se résument dans :
Quelles sont les perspectives pour l'avenir et quelles seraient les solutions pour maintenir les activités?
Les perspectives pour l’avenir et les solutions pour maintenir les activités salines sont :
Mode de production
Quel est le statut de propriété des terres (Melk, Archs, communal,... etc.?
Les terres des deux villages d’Iadnanen et d’Ait Ounir de type Melk et les parcelles sont réparties selon le nombre de familles mais dans des dimensions variables selon l’importance de la famille, ses acquisitions par voie de rachat de parts d’héritages aussi. Les terres de la saline d’Iadnanen sont de même type et le mode de production est de type « tour de rôle » régi par le droit coutumier amazigh de chaque région.
Quelle est la surface totale et la répartition par famille sur le périmètre global exploitable par saline ?
Connaissez-vous l'origine de l'eau salée? Des études ont-elles été réalisées dans le passé et le présent?
Comment gérez-vous la répartition de l'eau par surface? Comité, individuels, tour d'eau, etc.?
Le débit d'eau est-il stable ou fluctue-t-il par année et par saison ? Si oui, expliquer.
Le débit de la saline d’Iadnanen est variable selon les saisons contrairement au débit de celle d’Ichekaben qui est stable : il est fort en forte saison de fortes pluies mais avec un sel de mauvaise qualité et faible en saison de faibles pluies mais avec un sel de bonne qualité. Nous avons demandé l’explication de cette différence avec la saline d’Ichekaben et aucune réponse ne nous fut donnée sur cette différence de débit.
Quelle est la surface réellement exploitée et par combien de familles ?
Surface réellement exploitée 20 000 mètres carrés soit 2 ha pour 13 grandes familles qui se sont multipliées en nombre d’habitants depuis, le tour de rôle est le mode d’exploitation mais sur cette saline, la différence avec celle d’Ichekaben est que ce tour de rôle va sur toute l’année et y compris en périodes hivernales.
Les familles qui n'exploitent plus, quelles raisons?
Quelle est la période d'exploitation sur l'année?
La période d’exploitation sous le mode « à tour de rôle » se pratique durant toute l’année dans cette saline contrairement à sa voisine d’Ichekaben qui travaille de Mai à Septembre..
Sur cette période, pouvez-vous expliquer en détail les pratiques que vous utilisez, depuis la préparation jusqu'au stockage du sel ?
Les pratiques sont séculaires et se résument comme suit :
Index : agoulmim au sing. et igoulmimen au plur.=réceptacle ; tamda au sing.et timedwa au plur.= petit bassin aslat au sing. et islaten au plur.=lieu pour dépôt de sel au niveau de la saline ; Targa au sing et tirgwa au plur.= rigole d’acheminement de l’eau ;Gheita= sorte de cornemuse en pays amazigh
Combien de sel vous récoltez-vous par parcelle et par année?
Récolte par parcelle et par année 12 000 kg ou 120 quintaux pour l’année pleine de travail effectif dans la saline
Cette technique est-elle restée la même ou a-t-elle évoluée?
La technique n’a pas varié sauf dans certains aspects :
Les outils anciens utilisés sont :
quel est la répartition du travail sur le cycle de production? Qui participent: hommes, femmes, enfants? Comment?
Suite à la production, comment stockez-vous la production et où?
Faites-vous des transformations (ajout d'Iode, autres)?
Aucun élément ou apport n’est fait sur le sel de la saline d’Iadnanen.
Quelle est la production globale par saline, par unité de surface, par famille (moyenne, minimum et maximum)
production par famille : 11 q à 15 q/12 mois de travail.
production globale : 700 q à 1000 q/12 mois de travail.
production par famille : 6 q à 10 q/12 mois de travail
production globale : 150 q à 250 q/12 mois de travail
Index : maâdan= terre minérale spéciale tirée des sources pour renforcer les bords des igoulmimen ; tasraft au sing et tisrafin au plur.= caveau souterrain, galba= mesure amazighe de 25 kg
-La destination du sel jadis est comme suit : consommation, troc, vente, satisfaction des besoins des boucheries pour la tannerie, aliments du bétail, - la destination du sel aujourd’hui est restée la même à l’exception du troc qui n’existe plus puisqu’il a disparu définitivement.
Le sel est de trois types suivant le schéma suivant :
- le sel blanc ou 1er choix : prix de vente 400 DA la galba ou mesure de 25 kg, pour la consommation, - le sel marron ou 2ème choix : 300 DA la galba ou mesure de 25 kg, pour les aliments du bétail, -le sel noir ou 3ème choix : 200 DA la galba ou mesure de 25 kg, pour les tanneries
La partie vendue est cédée au profit des familles locales, des villages et villes environnants, dans les souks hebdomadaires, au niveau des boucheries et aux propriétaires des usines de transformation des aliments du bétail.
Trois types de sel existe : - le sel blanc ou 1er choix : prix de vente 400 DA la galba ou mesure de 25 kg, - le sel marron ou 2ème choix : 300 DA la galba ou mesure de 25 kg, -le sel noir ou 3ème choix : 200 DA la galba ou mesure de 25 kg
Les coûts de production en matériels et outils de travail sont de l’ordre de 8 000 DA/an
Bénéfice net annuel de 60 000 DA par famille environ
Si non, demander les informations suivantes à 2-3 familles
Prix du sel au kg ou au quintal ou autres mesures locales
- le sel blanc ou 1er choix : prix de vente 400 DA la galba ou mesure de 25 kg, - le sel marron ou 2ème choix : 300 DA la galba ou mesure de 25 kg, -le sel noir ou 3ème choix : 200 DA la galba ou mesure de 25 kg
Nombre de kilogrammes produits en moyenne par famille et par an, ainsi que minimum et maximum
De 9 000 kg à 18 000 kg ou 90 q à 180 q par an et par famille
Nombre estimé de journées de travail du ménage sur l'année pour cette activité (équivalent nombre de journées pleines)
Près de 300 jours durant toute l’année
Frais annexes éventuels de production : ouvriers temporaires, outils, produits, pompes, transports, etc.?
Pas de frais annexes
Faites-vous des transformations (ajout d'Iode, autres)?
Non ! Aucun ajout n’est fait y compris pour l’iode car la technique n’est pas connue.
Homme - Nature - Sel
-La saline donne sa beauté et ajoute un attrait au merveilleux paysage des montagnes d’Imellahen, - Un nombre restreint de visiteurs locaux et étrangers : entre 1000 locaux par an et 40 à 50 émigrés accompagnés d’étrangers par an
Distance Bejaia-Ichekaben (Feraoun) : 50 km soit 555m/1mn
A pied : les moyens de locomotion arrivent jusqu’à la localité d’Ichekaben
Transport Bejaia-Feraoun : 24 bus
Légende de Mokrane Ahmed Oulhadj que nous avons rapportée et qui est la suivante : La légende rapporte de nombreux conflits armés avec quatre autres tribus voisines qui réclamaient leurs parts de sel au motif que les sources de ces deux salines se situent sur le Mont Méghandas qui est la propriété effective de ces quatre tribus. Un sage de la région d’Imellahen regroupant les trois villages du nom de Mokrane Ahmed Oulhadj, décida, un jour, d’aller voir le caïd dont dépendent les quatre tribus revendicatrices accompagné de 5 colosses parmi les siens. Un acte rédigé par un scribe local donnait des parts aux quatre tribus et cet acte était détenu par le caïd et notre sage des Imellahen le réclama pour l’avaler devant le caïd médusé ! Ce dernier osa protester mais l’un des colosses sortit un couteau et le caïd se tut devant cette situation dangereuse pour sa vie. Quelques jours après, toute la population des Imellahen s’arma de fusils et de pistolets pour défendre les sources situées sur les terres de leurs adversaires et quand un homme des quatre tribus vit les hommes en armes, il rebroussa chemin en allant dire à ceux de son camp : « Je ne vais pas mourir pour une mesure de sel ! » Et depuis, les Imellahen cessèrent d’attribuer des parts aux quatre villages adverses.
Les objets artisanaux autour du sel existent et nous pouvons les voir en photos et en légendes.
Les options pour maintenir cette tradition et ce savoir-faire : -restauration du site, - classement international du site comme site culturel et de zone humide, - développement du tourisme solidaire, - infrastructures adéquates pour soins des maladies cutanées, -formation des populations pour l’ajout de produits nécessaires au sel comme l’iode et sa commercialisation, &